Métamorphoses

Métamorphoses

Dans un roman saisissant intitulé La Métamorphose, Kafka raconte le drame de Gregor, un homme sans histoires se réveillant un matin transformé en insecte. Intérieurement il est resté humain et lucide mais ses doigts, ses membres, son corps, se sont rigidifiés si bien qu’il ne peut plus à se mouvoir qu’à grand peine et ne parvient plus à communiquer avec ses proches. N’est-ce pas là l’image du vieillissement qui travaille inexorablement notre corps, peu à peu le dégrade et nous isole avant de nous condamner à une mort d’insecte ?

Les disciples assistent sidérés au phénomène inverse lors de la Transfiguration. Littéralement il est dit que Jésus fut métamorphosé devant eux, c’est à dire qu’il a changé de forme. Sa forme humaine, son corps humain, est passée au second plan par rapport à sa forme divine ; l’intérieur a pris le pas sur l’extérieur et l’a transfiguré, l’a porté à sa plénitude. L’espace d’un instant Dieu a révélé à Pierre, Jacques et Jean la finalité profonde de l’épreuve de la Passion : combler tout homme par l’effusion de son Amour.

Le sculpteur Jean Touret, rescapé des camps de la mort, avait coutume de dire avec une grande conviction : « nous allons devenir des personnages magnifiques ». La transfiguration de Jésus précède et annonce notre propre métamorphose. Comme un sculpteur qui tire peu à peu la statue de sa gangue de pierre pour lui donner vie, le Seigneur agit inlassablement par la puissance de l’Esprit de manière à tirer de sa gangue grossière notre être de lumière. Le carême dans lequel nous sommes engagés consiste essentiellement en cela : favoriser l’œuvre secrète de l’Esprit en vue d’une transformation d’amour. Les efforts, les renoncements, la prière, les oeuvres de charité, tout ce que nous ferons trouve là son sens et sa motivation afin que peu à peu ce réalise la parole du Père qui s’adresse aujourd’hui à chacun de nous : « celui-ci est mon fils, bien-aimé, en lui j’ai mis tout mon amour ».

Père Augustin Servois